Une vie comme les autres, Hanya Yanagihara

Couverture de Une vie comme les autres, Hanya Yanagihara
"S'il décidait quand même de s'ouvrir à quelqu'un, il savait que ce serait à Willem. Il admirait également ses trois coturnes, mais Willem était celui en qui il avait confiance. Au centre, il avait vite compris qu'il existait trois types de garçons : le premier était tenté de déclencher la bagarre (c'était JB) ; le deuxième ne s'y joignait pas, mais n'allait pas non plus se précipiter pour chercher de l'aide (c'était Malcom) ; et le troisième s'employait à vous tirer d'affaire (le type le plus rare et, à l'évidence, c'était Willem)."

"L'amitié comprenait d'être témoin du lent écoulement des malheurs d'un autre, ainsi que de longues périodes d'ennui, et d'occasionnels triomphes. Elle consistait à se sentir honoré d'être présent pour quelqu'un dans ses moments les plus sombres, et de savoir que l'on pouvait en retour se sentir déprimé en compagnie de cette même personne."

Ouf! Me voilà enfin arrivée à bout de ce pavé qui m'aura occupé plus de 3 semaines ! Trois semaines où j'ai dû m'accrocher souvent, où je me suis lassée parfois... et pourtant, impossible de lâcher ce livre, qui ne cessait de me rappeler à lui. 


Il s'agit d'une chronique, sur plusieurs décennies, de l'amitié qui unit depuis l'université Malcolm, JB, Willem, et Jude. Après de brillantes études, chacun excelle dans son domaine et peut se targuer d'une indéniable réussite sociale, mais chacun traîne également son lot de casseroles. Et plus particulièrement Jude, pierre angulaire de cette amitié, astre noir autour duquel semble graviter les autres membres de la bande. Jude a souffert, souffre toujours. Chaque tentative de mener cette "vie comme les autres" à laquelle il aspire tant se trouve entravée par les blessures d'une enfance entourée de mystère et qu'il est incapable de révéler. Jude se déteste, il déteste son corps meurtri et handicapé, il déteste ce qu'il est, ne trouvant un réconfort bien éphémère que dans les scarifications qu'il s'inflige régulièrement. 

Bien sûr, au fil des pages, l'enfance de Jude se révèle par brides, dérangeante, dégoûtante. On devine très vite de quoi il est question, sans en mesurer immédiatement toute l'horreur. Et en filigrane on voit poindre la question : peut-on vivre une vie normale après ça ? Dans cette histoire rien ne semble pouvoir sortir Jude de l'enfer de son passé : ni la réussite sociale, ni l'amitié, ni l'amour indéfectible de son entourage. 

Un livre très sombre, qui aborde des thématiques intéressantes : comment aider quelqu'un qui refuse toute main tendue ? Peut-on guérir d'une enfance brisée ? Peut-on soigner un dégoût de soi si profondément ancré ? Comment accepter que parfois, on ne peut plus rien pour ceux qu'on aime ? 

Des thèmes passionnants, des personnages apparemment fouillés et au caractère étoffé, ce livre avait a priori tout pour devenir mon premier coup de cœur de cette année. Malheureusement il souffre énormément de ses longueurs ! 800 pages tout de même, truffées de nombreux détails inutiles (ou alors est-ce le style qui est mal maîtrisé? un problème de traduction?), des répétitions, des répétitions, des répétitions et aussi... beaucoup de répétitions, comme si l'auteur craignait que le lecteur n'ai pas bien compris la première fois... Autant de défauts qui plombent le récit et le font trop souvent tomber dans le pathos et l'exagération, le rendant de moins en moins plausible. 

On comprend bien que chaque personnage joue une figure bien précise dans cette amitié. Mais l'auteur ne parvient pas à éviter le piège de la caricature et finit par les enfermer dans le rôle qu'elle leur a assigné dessinant des caractères qui manquent de nuances. Ainsi limités dans le spectre de leurs émotions, restreints dans le choix de leurs actions, ils semblent tourner en rond, incapables d'évoluer ou de nous surprendre. A vouloir trop en faire, l'auteur fait perdre toute crédibilité à son histoire et à ses personnages.

Ce qui m'a poussé à la terminer ? Ma curiosité sans doute ! L'histoire reste prenante et évidemment le mystère entourant Jude, sa fragilité, m'ont accroché malgré tout, ainsi que l'évolution des relations entre les différents protagonistes. J'ai beaucoup aimé l'idée de suivre le destin de chacun sur plusieurs années, de les connaître au sortir de l'adolescence pour les quitter à l'aube de la vieillesse. Difficile de ne pas s'attacher à certains d'entre eux malgré les défauts cités plus haut. Et ce livre aura aussi le mérite de me donner envie de redécouvrir New-York, que je n'ai pas réussi à apprécier lors de ma première et unique visite.  

Je vous aurais volontiers conseillé ce livre s'il faisait plusieurs centaines de pages en moins... mais là je ne peux pas vraiment vous encourager à vous jeter dessus.

2 commentaires:

  1. Oui, difficile de se laisser tenter après avoir lu ton ressenti, mais je ne dis pas non, non plus. Juste à l’occasion si nos routes se croisent...

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    1. Je ne peux pas le conseiller vivement, à cause de ce que j'ai cité dans mon post, mais cela reste un livre très fort! D'ailleurs je me suis beaucoup attachée aux personnages malgré leur caractère un peu caricatural.

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