Si je n'y avais pas
été obligée pour mon cours, je n'aurais jamais lu ce livre. Peut-être que je
n'en aurais même jamais entendu parler, et si cela avait été le cas, je n'y
aurais pas prêté grande attention. Si pas hasard je l'avais ouvert pour en lire
quelques lignes, je l'aurais reposé sans le terminer. Et j'aurais eu tort.
Difficile de dire si j'ai aimé ou pas, mais je crois bien que oui. Quoi qu'il
en soit, ce livre est une vraie claque!
Raconté du point de
vue du soldat, cette "bouleversante confession" est une immersion au
cœur de l'opération "Trident de Neptune", qui s'est terminée par
l'exécution d'Oussama Ben Laden, au Pakistan, le 2 mai 2011. Nous suivons
le commando de Marines avant, pendant et après l'assaut.
On aimerait lire ce texte à haute voix, comme on scanderait un poème, à la manière d'un slam. Sans aucune ponctuation, il suit le fil des pensées du soldat telles qu'elles sortent de son esprit, brutes, sans filtre. Les images défilent dans notre tête de manière stroboscopique, comme un clip vidéo. J'ai trouvé le style très déroutant dans un premier temps. Puis très vite je me suis laissée emporter par le rythme effréné de ce texte dérangeant et hypnotisant, qui remet en question la conception du héros moderne : américain bien sûr, Mâle alpha sur-entraîné bourré de testostérone, gavé de pizzas ("...qui est un légume à cause de la sauce tomate") et de jeux vidéo, qui comble comme il peut les heures creuses de l'attente. Les détails les plus triviaux de leur quotidien ne nous sont pas épargnés, et on est baladé entre la banalité surréaliste de leur quotidien, et de brutaux retours à la réalité, lorsqu'il s'agit par exemple d'écrire la lettre à la famille, "au cas où..".
En lisant ce livre,
j'ai repensé à une scène du film de Michael Moore, Fahrenheit 9/11,
où de (très) jeunes soldats, à l'air tantôt blasé, tantôt halluciné, nous font
part de la musique qui les "dope", la bande-son de leur mission en
quelques sorte. Scène surréaliste et glaçante. 13 ans plus tard, les soldats d'Emmanuel Adely leur font échos,
accomplissant de manière mécanique leur chorégraphie millimétrée, au
rythme des chansons de The Game, ou de Demon Hunter.
L'extrait du film Fahrenheit 9/11, de Michael Moore, 2004 :
Si vos oreilles ne sont pas trop sensibles, je vous invite à écouter la chanson de Demon Hunter (groupe de metalcore chrétien (si, si) américain), citée dans le livre :
Je ne l'ai pas regardé en entier, mais voici ce que j'ai trouvé sur youtube un peu par hasard : le texte lu et mis en musique par la compagnie ORTIES. Un peu barré, mais intéressant :
Extraits :
"C’est un jeu
la vie—un pari chaque jour est un putain de pari c’est Lil Wayne qui dit ça dans Red Nation
ou tu gagnes ou tu perds
ç’a toujours été comme ça ils disent avec les pieds croisés sur la table et les muscles des cuisses bien tendus dans les bermudas ou tu gagnes ou tu perds
avec des dentelles le sang est rouge pareil quand tu crèves et les meufs elles sucent que les vainqueurs elles attendent le mec celui qui les protège avec son froc aux chevilles là la fille elle se sent protégée t’as beau mettre des beaux mots autour c’est toujours comme ça depuis le début regarde Gemma dans Les Fils de l’Anarchie elle c’est pas qu’une pute même si elle s’est bien donnée c’est une mère et c’est une grand-mère aussi
et ils rigolent les pieds croisés sur la table en disant tu te rends compte putain tu réalises mec on va niquer ce fils de pute
ce putain d’enfoiré [...]"
« […]ce qu’ils font est juste parce qu’on te dit
que c’est juste
et ça c’est vraiment du confort dans la tête de pas avoir à déterminer ce qui est juste et ce qui est pas juste toi tu obéis et ça c’est vraiment du confort et de savoir qu’on réfléchit à ça pour toi c’est les autres qui te permettent de pas réfléchir à ces trucs politiques
simplement faire quelque chose qui te plaît et dont on te dit que c’est juste »
la vie—un pari chaque jour est un putain de pari c’est Lil Wayne qui dit ça dans Red Nation
ou tu gagnes ou tu perds
ç’a toujours été comme ça ils disent avec les pieds croisés sur la table et les muscles des cuisses bien tendus dans les bermudas ou tu gagnes ou tu perds
avec des dentelles le sang est rouge pareil quand tu crèves et les meufs elles sucent que les vainqueurs elles attendent le mec celui qui les protège avec son froc aux chevilles là la fille elle se sent protégée t’as beau mettre des beaux mots autour c’est toujours comme ça depuis le début regarde Gemma dans Les Fils de l’Anarchie elle c’est pas qu’une pute même si elle s’est bien donnée c’est une mère et c’est une grand-mère aussi
et ils rigolent les pieds croisés sur la table en disant tu te rends compte putain tu réalises mec on va niquer ce fils de pute
ce putain d’enfoiré [...]"
« […]ce qu’ils font est juste parce qu’on te dit
que c’est juste
et ça c’est vraiment du confort dans la tête de pas avoir à déterminer ce qui est juste et ce qui est pas juste toi tu obéis et ça c’est vraiment du confort et de savoir qu’on réfléchit à ça pour toi c’est les autres qui te permettent de pas réfléchir à ces trucs politiques
simplement faire quelque chose qui te plaît et dont on te dit que c’est juste »
Pas sûr d'aimer ce genre de lecture virile et macho !
RépondreSupprimerViril et mach mais pas "gratuitement". Mais je comprends tout à fait que ça ne passe pas !
SupprimerCette lecture me tente pas mal, j'aime voir les différents points de vue et surtout ceux de l'intérieur pour des faits aussi importants :)
RépondreSupprimerSi tu t'y penches je serai curieuse d'avoir ton avis. La forme autant que le contenu sont très inhabituels mais se "répondent" l'un l'autre de manière très percutante !
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